- Bill a écrit:
- Patrice a écrit:
- Je me pose quelques questions de novice auxquelles Bill ou Chantal peuvent peut être répondre.
Patrice, LA spécialiste mondiale des courses de 24 heures te répondra sûrement en détail
Pas spécialiste Hervé, en apprentissage. On apprend toujours, sur chaque course. C'est pour ça qu'on recommence.
- Patrice a écrit:
- Je me pose quelques questions de novice :
- D'abord en termes de préparation pour un 24 h, c'est quoi "une sortie longue"? (un marathon? un 100 kms quelques mois avant?)
Il va être très difficile de répondre à tes questions car on est tous différents, tant sur le plan physique que mental. Mais je vais essayer quelques réponses.
La préparation d’un 24h se fait sur 4 à 6 mois et sont intégrées à cette préparation différentes séances (VMA, VSmarathon, VS100km et VS24h) et parfois quelques courses supports courues "en-dedans". Un marathon ou un 100 km peut bien trouver sa place 4 à 6 semaines avant un 24h, à condition de n’y laisser aucune énergie. La plupart des coureurs d’ultra font des sorties longues tous les week-end (entre 2h et 3h le samedi ou le dimanche ou les deux). En ultra, très rares sont ceux qui n’en font pas mais ça existe. Certains pratiquent le bi et tri-quotidien à un certain moment de la prépa, c’est-à-dire qu’au lieu de courir 3h d’affilé par exemple ils sortent 3x1h à des moments différents de la journée.
- Patrice a écrit:
- - Pendant l'épreuve, quel est le temps réel pendant lequel on court? Combien durent les différentes pauses (ravitos, soins...)?
Là aussi c’est très variable d’un coureur à l’autre. Certains courent tout le temps, d’autres courent tant qu’ils peuvent courir et marchent ensuite. Certains courent, s’arrêtent pour manger, font des pauses "dodo" et "massages". Quelques-uns alternent marche et course dès le départ de l’épreuve sur des durées bien définies à l’avance, c’est la méthode Cyrano, surnom de son précurseur Jean-Marc Dewelle. Cette méthode se travaille évidemment à l’entraînement pour être appliquée en course de manière optimale.
Les temps passés aux soins sont variables : ça dépend des "dégâts" et de la rapidité des masseurs et podologues. Les pauses ravitos peuvent prendre beaucoup de temps comme très peu. Au fil des heures ça dépend beaucoup de la lucidité et de l’état de fatigue des coureurs et de leur assistance.
- Patrice a écrit:
- - Comment lutte-t-on contre le sommeil? (caféine, micro-sieste comme les marins en solitaire?)
Comme on peut !
Les micro-siestes sont intéressantes. Inférieures à 20’ évidemment sinon on tombe dans le sommeil profond et le réveil serait très difficile. L’idéal est autour de 10’ comme les navigateurs. Cette petite pause donne environ 2h de lucidité. C’est déjà ça ! C’est ce que pratique parfaitement Sylvie Peuch qui ne peut lutter contre le sommeil. A Aulnat elle a fait deux arrêts micro-sieste qui lui ont permis de bien se relancer. Celui qui pratique bien le micro-sommeil ne perd pas de temps, au contraire. Sylvie a frôlé la barre des 220 km à Aulnat avec deux arrêts.
Sinon, il y a ceux qui prennent effectivement du café ou du thé, et ceux qui tentent le Red Bull en espérant un miracle.
On peut imaginer que les coureurs qui ont un métier où ils sont confrontés au travail de nuit sont "avantagés" à ce moment-là. Maria Pierre par exemple travaille dans un établissement de restauration sur autoroute et commence son service à 23h. Elle gère très bien le passage nocturne. C'est d'ailleurs souvent le moment où elle tourne le mieux. Les agents hospitaliers, les pompiers, tous ceux qui travaillent de nuit ont moins de souci pour gérer ce paramètre.
Ce moment où on a l'impression de courir en dormant ou de dormir en courant est très désagréable et il vaut mieux je pense aller se reposer quelques minutes car on n'avance plus et surtout c'est dangereux.
- Patrice a écrit:
- - Comment gère-t-on la partie hydratation - alimentation?
Là aussi il est difficile de répondre mais en général tout le monde a plus ou moins des difficultés avec ça sur 24h. Pour que la machine tienne il faut évidemment l’alimenter en carburant. Alors quand plus rien ne passe, quand on sature de tout… cela devient très dur. Et ce moment-là arrive tôt ou tard.
La plupart boivent très régulièrement, toutes les 15’ environ, et mangent aussi de manière régulière tout ce qui peut apporter de l’énergie et faire plaisir. C’est pour ça qu’on trouve des bonbons sur certaines tables de coureurs. Les ravitos sur 24h sont très bien fournis et on nous propose de tout, chaud et froid, liquide et solide pendant 24h.
Il faut arriver à compenser au mieux les pertes énergétiques.
Je dirais que sur 24h il faut apporter au corps des produits riches en énergie pour qu'il puisse faire face à l'effort physique et apporter à la tête des produits riches en "goût plaisir" pour que le mental tienne car face aux petites douleurs qui apparaissent au fil de la course, les capteurs du cerveau ont aussi besoin de recevoir des sensations bonnes et positives. Vive les bonbons et le saucisson !
Comme le disait Jean-François Pontier (entraîneur d’Anne-Cécile et Emmanuel Fontaine) lors d’un entretien à
Runinlive en 2010 : "Concernant le 24 heures, il s’agit vraiment d’une épreuve très différente des autres courses avec en particulier la problématique de l’alimentation et du sommeil. A l’inverse d’autres épreuves, la performance n’apparaît pas essentiellement comme la résultante de qualités physiques spécifiques et de l’entraînement. Là, l’aspect tactique et la fraîcheur physique se révèlent des paramètres prépondérants dans le résultat final".
Jean-Jacques Moros est un très grand coureur d'ultra, qui a gagné de nombreuses courses, notamment les 100km de Millau. Pourtant il n'arrive pas à passer sur 24h. Il a des soucis d'estomac à chaque fois. A Brive en 2008, aux Championnats de France, on l'a vu super bien tourner pendant environ 6h et puis... la machine s'est détraquée, on l'a vu se tenir le ventre, s'allonger, se faire masser... mais rien n'y a fait et il a été contraint à l'arrêt. C'est un coureur très beau à voir tourner, très aérien.
- Patrice a écrit:
- Ce point m'intéresse particulièrement car ayant participé l'été dernier à une épreuve cycliste d'endurance: "les 12 h de Flavignac", cette dimension là est en effet pour moi délicate. En effet après 10 h d'efforts mon estomac n'arrive plus à avaler de solide (sous peine de retour à l'envoyeur), et difficilement du liquide (seul le coca passe encore dans ces moments là).
Je suis donc intéressé par l'expérience des coureurs à pied sachant qu'a priori la digestion me paraît encore plus difficile en courant qu'en pédalant.
Certains coureurs ne tournent en effet qu’avec des aliments liquides durant 24h. Beaucoup prennent aussi, comme toi, du Coca. Quand plus rien ne passe c’est la seule chose qui passe encore et c’est du sucre. Même si ce n’est pas du BON sucre, c’est mieux que rien. En principe une fois la course terminée… le Coca absorbé permet de vomir !
Tu as une course VTT de 24h à Gindou "Les 24h de Gindou" qui a lieu chaque année au mois de mai je crois. Elle se court en équipe de 4, 6 ou 8 coureurs qui se relaient pendant 24h, comme il veulent, sur un circuit de 2 ou 3km si mes souvenirs sont bons.
J'espère t'avoir apporté quelques réponses. Mais on est tous tellement différents face à l'effort, à l'alimentation et au sommeil qu'il est difficile de donner des solutions toutes faites qui fonctionneraient pour tout le monde. Ce serait trop facile... et ça perdrait en suspense.