- Bill a écrit:
- Quelques résultats du 35e Zurich Marathon de Barcelone qui s'est couru dimanche 17 mars : [...]
73. 2:42:55 Hervé Seitz
Coucou à tous ! Je viens de rédiger un compte-rendu de ma course pour mon groupe d'entraînement et pour mon club, je le copie-colle ici pour ceux que ça intéresse.
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Depuis le temps que je me demandais ce que je valais sur un marathon plat, il fallait bien qu'un jour je m'y colle ... Ce qui fut fait ce dimanche 17 mars, à Barcelone. Mon objectif était de faire moins de 2h40, en tenant une allure de 3 min 45 par km sur toute la course. Le profil topographique du parcours montrait que les 25 premiers km seraient un peu bosselés, et que la course s'aplatirait complètement à partir du 25ème km, avec juste une côte autour du 37ème km, puis une longue montée en faux-plat sur les 2 derniers km : normalement, si je tenais l'allure sur les 25 premiers km, je devrais réussir à les tenir aussi sur les 17 derniers, qui semblaient plus faciles. La stratégie de course allait donc se résumer à prendre un rythme de 3 min 45 par km au début, et à tâcher de le garder jusqu'à la fin : normalement, pas besoin de pense-bête !
La préparation s'était très bien passée (tout le détail de mon plan d'entraînement ici : http://www.normalesup.org/~seitz/Plan_d_entrainement_Marathon_de_Barcelone_2013.pdf ; j'avais réussi sans trop de difficulté à tenir mes séances « allure marathon », à 3 min 45 par km), et c'est donc le cœur léger que je suis arrivé à Barcelone le samedi 16 mars, en compagnie de mon pote Raphaël (un autre 100-bornard montpelliérain) et d'une demi-douzaine d'amis à lui (il les avait entraînés pour leur premier marathon, et la plupart d'entre eux allaient le courir ensemble, en visant un chrono de 4h15). Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas couru une course avec au moins autant de participants (la dernière fois, c'était en 2000 sur le marathon de Paris), et j'avais oublié à quoi ressemblait un « village marathon » ... C'est au milieu de cette cohue impressionnante (18 000 coureurs inscrits) que, le samedi après-midi, nous sommes allés retirer nos dossards. Un hasard invraisemblable m'a d'ailleurs fait croiser la route de Patrice Bruel, un vieux briscard qui a écumé tous les marathons de France et de Navarre (il allait courir à Barcelone son 101ème marathon), et qui s'était mis, avec succès, au 100 bornes l'an dernier. Nous étions convenu de nous retrouver ce samedi après-midi, mais entre les retards inévitables, l'ampleur de la foule, et ma réticence à m'équiper d'un téléphone portable, nous n'avions pas su nous retrouver au point de rendez-vous ... et c'est donc devant le stand Asics du village marathon que je l'ai trouvé, en compagnie de sa copine (c'est au même endroit que, 15 minutes plus tôt, j'avais croisé Jean-Marie, un copain d'entraînement du groupe de Cholet : c'était un bon poste d'affût). Patrice et moi visions le même chrono (autour de 2h40), nous allions donc peut-être courir une partie de la course ensemble. J'avais aussi espéré retrouver des coéquipiers de mon club, Védas Endurance (nous étions une douzaine inscrits sur la course), mais le facteur de dilution (18000/12 = 1500) n'a pas permis de retrouvailles védasiennes ...
J'avais oublié à quel point la veille d'un marathon peut être fatigante. Dans ce village marathon, on piétine, on est bousculé, on attend, on cherche ... À la sortie, nous sommes allés nous promener en ville (le groupe voulait aller sur les Ramblas), mais, après pratiquement une heure de marche, nous avons décidé que nous avions assez marché pour la journée : nous étions trois à vouloir rentrer à l'hôtel, le reste du groupe a continué à se promener pendant que nous rentrions nous reposer. L'air de rien, nous avions passé tout l'après-midi à piétiner ou à marcher, et les jambes étaient même un peu fatiguées dans la soirée.
Le départ de la course allait être donné à 8h30 le dimanche matin. Je me suis donc levé un peu avant 5h, pour prendre un petit-déjeuner léger (un peu de céréales dans de la compote de pommes, c'est mon petit-déj' traditionnel avant les marathons et les 100 bornes ; pour les courses plus courtes, je prends le départ à jeûn). Je me suis recouché à 5h, et j'ai essayé sans grand succès de me rendormir (pas de trac ou d'inquiétude, c'est surtout que je n'avais pas sommeil ; j'avais pris garde de bien dormir pendant toute la semaine). Je n'ai finalement réussi à me rendormir que 20 minutes avant que mon réveil ne sonne, à 6h45 : quand je me suis levé pour la deuxième fois, une averse démarrait tout juste. Une vraie grosse averse bien lourde, qui tambourinait sur les toits du quartier. Moi qui avais hésité à courir en débardeur, ou en t-shirt débardeur, cette météo peu avenante m'a décidé à prendre le t-shirt sous le débardeur. J'ai horreur du froid ! Je me suis donc préparé, et j'ai quitté l'hôtel peu après 7h. Finalement, dans les rues la température était assez douce. La pluie avait cessé, la route était humide, mais le fond de l'air était raisonnablement tiède. Dans les rues, des fêtards finissaient leur nuit en discutant sur les trottoirs, et ils regardaient avec curiosité tous ces gens en survêtement ou abrités dans des sacs-poubelle et qui, tous, convergeaient silencieusement vers la Plaça de Espanya ...
J'ai pris le métro à l'arrêt « Universidad » : un peu avant 7h30 ce dimanche matin, la rame était bondée, et 95% des passagers étaient en survêtement. Au milieu de cette foule, j'ai aperçu mon pote Patrice Bruel et sa copine. Toute cette foule bigarrée s'est déversée hors de la rame à l'arrêt « Plaça de Espanya », sous le regard étonné des quelques voyageurs en civil, qui retrouvaient subitement un peu de liberté de mouvement dans une rame de métro qui perdait, en un arrêt, pratiquement tous ses passagers. Dehors, il faisait bon, et, malgré un ciel très couvert, il ne pleuvait pas. Finalement, la température allait me permettre de courir en débardeur, c'est toujours plus confortable que des maillots plus longs.
J'avais décidément perdu l'habitude des gros marathons : je pensais, en arrivant sur place une heure avant le départ, avoir le temps de m'échauffer une demi-heure. Finalement, le temps de me changer, de laisser mes affaires au vestiaire, de trouver un petit coin pour me soulager, et des routes un peu dégagées pour pouvoir courir sans être bousculé, je n'ai pu m'échauffer qu'un quart d'heure. J'avais aussi espéré pouvoir finir de m'échauffer et m'étirer dans le sas de départ (j'étais dans le sas « moins de 3h », qui se trouvait juste derrière les coureurs Élite ; derrière nous, il y avait un sas de départ par tranche de 15 minutes de temps de course). En fait la foule était compacte dans le sas de départ, il n'était pas question de faire le moindre mouvement, s'étirer même était difficile ; pas moyen de finir de s'échauffer dans ces conditions. Dernier détail, un peu trivial mais pas tout à fait négligeable : j'ai toujours besoin de repasser aux toilettes une dernière fois avant le départ, mais après l'échauffement, et avec 18 000 autres coureurs qui avaient la même idée au même moment, malgré les nombreuses cabines mises en place par l'organisation, il a fallu prendre le départ avec un peu de lest ... La gêne a, curieusement, fini par disparaître à la mi-course, mais rien que faire un semi-marathon concentré sur ses sphincters n'est pas des plus agréables. Tant pis, il aura fallu faire avec !
À 8h30 précises, le départ a été donné ; je m'attendais à courir mais surprise ! Les différents sas démarraient en décalé, on a maintenu le cordon devant nous alors que les coureurs « Élite » s'élançaient. C'est seulement deux minutes plus tard que les commissaires de course nous ont libérés à notre tour, et j'ai appris, par Raphaël et ses amis, que leur départ avait été donné 16 minutes plus tard. Quant à moi, je n'étais pas trop mal placé sur la ligne de départ (j'avais joué des coudes pour me trouver aux avant-postes, je devais être en trois ou quatrième ligne), mais évidemment, le départ était un peu encombré par des coureurs qui avaient tenu à se placer à l'avant du peloton, mais qui couraient lentement. Heureusement, l'embouteillage n'a duré qu'une centaine de mètres, et j'ai pu me caler sur mon allure de course (3 min 45 au km, donc) assez rapidement.
Les premiers kilomètres étaient presque plats, ils montaient un tout petit peu. Bien calé dans un groupe, je surveillais mon allure : entre 3 min 40 et 3 min 45 par km, elle a fini par se stabiliser autour de 3 min 45 par km, exactement ce que je visais. Mais la route montait ... et dans chaque descente, nous accélérions évidemment, et notre allure tournait autour de 3 min 35 au km. En fait, nous allions plus vite que ce que je visais, et j'avais eu l'impression que ce groupe courait à l'allure que je m'étais programmée, simplement parce que nous étions en train de monter une côte ... Mes sensations étaient très bonnes, je ne sentais aucune fatigue dans les jambes, et je craignais de me laisser distancer par ce groupe, de peur de ne pas trouver un autre groupe derrière, qui courrait à l'allure que je visais. L'erreur classique du débutant, qui court trop vite en début de course, parce qu'il se sent bien, et qui finit par le regretter en fin de course ... J'en avais conscience, mais je me disais que ce groupe me protégeait du vent, et que je ne m'économiserais pas forcément davantage en me laissant distancer (ça, ce doit être l'erreur du débutant un peu plus expérimenté, qui commence à se rendre compte de son erreur ; un jour j'arriverai bien à passer au stade suivant, et à faire des erreurs de coureurs chevronnés !). Une petite pluie fine tombait par intermittence, mais sans jamais être vraiment gênante. La température était tout à fait confortable, et je n'avais pas froid en débardeur (en fait tous les coureurs autour de moi étaient aussi en débardeur). Une foule compacte nous encourageait du bord de la route ; une tribu de supporters bretons, avec force banderoles et drapeaux bretons, a attiré mon attention à un carrefour. Un peu après le 5ème km, nous sommes passés à côté du stade du Camp Nou, l'antre du FC Barcelona, et j'ai aperçu, sur le bord de la route, un coureur africain qui portait un dossard « Élite » (le dossard n°1), et qui venait d'abandonner. Sur le trottoir, il semblait attendre qu'un véhicule vienne le chercher, il regardait vers l'arrière de la course.
La route se remettait à monter après le Camp Nou, puis à partir du milieu du 9ème km elle s'est mise à plonger, notre vitesse a encore augmenté de manière inquiétante, mais je ne me décidais pas à abandonner ce petit groupe. La course avait un peu décanté, nous n'étions plus que six dans le groupe. Deux coéquipiers en maillot noir, dont le plus âgé n'arrêtait pas de se retourner vers son copain et de lui crier des encouragements ; deux gars en maillot rouge ; et deux en maillot jaune (fan inconditionnel du Tour de France, je faisais partie de ces deux-là ...). Je ne voulais pas détruire l'harmonie colorée de notre petit groupe en laissant un seul jaune avec les deux noirs et les deux rouges ... Voilà la profondeur de la réflexion dans laquelle j'étais plongé quand nous sommes passés devant la Sagrada Familia, après 16 km de course. Des bornes officielles annonçaient chaque kilomètre, et des bornes supplémentaires annonçaient chaque multiple de 5 miles (pour les Anglo-saxons) : le panneau des 10 miles (donc 16,09 km) se trouvait juste en face de la cathédrale. J'ai pensé à ma petite sœur, qui a fait un semestre d'études à Barcelone, qui habitait dans ce quartier et qui adore la Sagrada Familia. Pas question de ralentir en passant devant son monument préféré !
C'est juste après la cathédrale qu'un nouveau coureur a rejoint notre groupe, par l'arrière. Il portait un maillot « Conseil général de l'Ariège » : j'ai échangé quelques mots avec lui (ex-Toulousain, je connaissais quelques personnes qu'il connaissait aussi). Le gars était sympa, et il courait très bien ; il était parti plus sagement que nous, nous avais repris au 16ème km, et il allait rester dans ce groupe jusqu'aux derniers kilomètres. Moi de mon côté, je tâchais de me protéger du vent au maximum. Nous progressions toujours à un rythme régulier, légèrement plus rapide que ce que je souhaitais. Nous avons revu le groupe de supporters bretons, qui avait visiblement bien potassé le tracé de la course, à plusieurs endroits le long du parcours : en les revoyant, je leur ai crié « Allez la Bretagne ! ». Le prénom de chaque coureur était imprimé sur son dossard : mon prénom breton a immédiatement attiré leur sympathie, et ce sont des salves d'encouragements personnalisés qui m'ont répondu ...
À l'approche du semi-marathon, un long faux-plat montant (à partir du milieu du 19ème km, et long d'un kilomètre et demi) m'a un peu mis en difficulté : la pente n'était pourtant pas très raide, mais je sentais qu'il fallait que je décroche un peu pour ne pas me mettre dans le rouge. Depuis quelques kilomètres, notre groupe était en train d'avaler, petit à petit, les éléments d'un groupe devant nous, qui était en train de se disloquer ; mais notre groupe aussi commençait à s'étirer, et, en compagnie d'un des deux maillots rouges, j'avais quelques mètres de retard sur le gros de la troupe quand nous sommes arrivés en haut du faux-plat. Le parcours de la course, à cet endroit, faisait une petite boucle et revenait sur la même route : les coureurs qui atteignaient le 20ème km croisaient ceux qui passaient le semi-marathon (nous avions, nous-mêmes, croisé les premiers coureurs un peu plus tôt). J'ai entendu, venant du peloton des coureurs que nous croisions, quelqu'un crier « Allez Hervé ! », j'étais sûr qu'il s'agissait d'Antoine (encore un copain d'entraînement, du groupe de Cholet). Il visait un chrono autour des 3h, et le meneur d'allure en 3h était effectivement dans le voisinage - mais j'étais tellement concentré sur ma course que je n'ai pas eu le temps de le chercher du regard ou de l'encourager en retour :-(
Le passage au semi-marathon marquait le début d'une longue descente qui devait nous amener jusqu'au 25ème km, où la route devait s'aplatir complètement jusqu'à l'arrivée (à l'exception de la côte du 37ème km et de la longue rampe de l'arrivée). Je suis passé au semi-marathon avec environ une minute et demie d'avance sur mon plan de marche : nous étions effectivement allés trop vite, malgré les côtes. Si je réussissais à tenir le rythme jusqu'au bout, tant mieux ! ça me ferait un chrono de 2h37 au lieu de 2h40. Mais je commençais quand même à plafonner un peu ... La descente a été rapide, comme les précédentes (avec des pointes qui dépassaient les 19 km/h dans les passages les plus pentus), et je sentais que la fin de course serait difficile. En passant devant la borne du 24ème km, je me suis surpris à rêver que les chiffres s'inversent, et que ce soit la borne du 42ème km : mauvais signe, je commençais à avoir hâte d'arriver !
La course commençait à faire des dégâts autour de moi également : nous avions rattrapé une coureuse à la borne du 24ème km, et quelques coureurs isolés dans les kilomètres qui ont suivi. Vers la fin de la descente, ils se faisaient décramponner les uns après les autres, ainsi que l'un des 5 autres membres historiques de mon groupe (l'un des deux maillots noirs ; son copain, qui avait passé son temps à l'encourager, semblait tout perdu et se retournait en permanence pour voir où il en était). Moi, j'étais à peine plus fier ; pour mon malheur, nous avions désormais un vent de face assez fort, ce n'était pas le moment de se retrouver isolé. J'ai donc fait l'effort pour recoller au groupe, en accélérant violemment contre le vent pendant une centaine de mètres. Je vois
a posteriori que ce 28ème km a effectivement été très rapide : http://connect.garmin.com/splits/285780595 ; ce sont les km enregistrés par la montre GPS, qui n'était pas tout à fait d'accord avec le bornage officiel : d'après la montre, je courais un peu plus de distance que ce qu'annonçaient les bornes, et il devait y avoir environ 400 m de décalage à ce moment-là). Évidemment, cet effort n'est pas longtemps resté impuni, et en passant la borne du 28ème km, j'ai définitivement perdu le contact avec mon groupe de coureurs. Commencèrent alors 14 longs, très longs kilomètres pour rallier l'arrivée en limitant la casse sur le chrono ...
Des coureurs me rattrapaient, isolés, deux par deux ou trois par trois. Je m'abritais derrière eux, contre ce vent de sud-ouest qui nous compliquait tant la tâche en cette fin de course. Je n'arrivais jamais à tenir leur rythme plus de quelques dizaines de mètres, puis je me retrouvais seul contre le vent ... Du milieu du 32ème km, jusqu'au début du 36ème km, nous courrions le long du littoral, encore une interminable ligne droite balayée par le vent. Les kilomètres étaient longs, très longs, et la montre GPS m'indiquait que mon allure n'arrivait plus à descendre sous les 4 minutes au kilomètre. La coureuse que nous avions rattrapée au 24ème km, puis perdue dans la descente qui avait suivi, m'a rattrapé en haut de la côte du 37ème km (heureusement, c'était plus un faux-plat qu'une côte ! mais j'étais content d'arriver en haut, sous l'Arc de Triomphe). Je n'ai pas pu la suivre non plus, et c'est en bien piteux état que je suis arrivé à la statue de Christophe Colomb, au 40ème km, qui annonçait l'ascension finale vers la Plaça de Espanya. | |
Passage au 30e km... |
Rassemblant tout ce qui pouvait me rester de forces, j'ai essayé de maintenir une allure convenable : deux kilomètres, qu'est-ce que c'était ? En passant devant la borne officielle du 40ème kilomètre, j'ai repensé, en l'adaptant, à la devise de mon copain d'entraînement Philippe, du groupe de Cholet : « Un kilomètre, c'est rien. Deux kilomètres, c'est deux fois rien ! ».
Passage au 35e km... Alors que j'étais en train de m'encourager de la sorte, j'ai entendu un coureur qui me rattrapait et qui allait me doubler par la gauche. Du coin de l'œil, je l'ai regardé quand il me dépassait : c'était mon pote Patrice Bruel, qui avait effectivement prévu de boucler la course en 2h40 ! Nous avons échangé quelques mots (il avait lui aussi eu des petits problèmes), et j'ai tâché de le garder en point de mire jusqu'à l'arrivée. J'avais mal partout, des ampoules qui brûlaient sous la base des deux gros orteils, à chaque foulée ; et cette longue rampe qui n'en finissait pas ... À la borne du 41ème km, les spectateurs nous encourageaient en souriant, ils nous annonçaient la fin de nos souffrances. Je leur répondais en grimaçant un sourire crispé ...
Mais tout a une fin, même les kilomètres les plus longs. Les deux tours vénitiennes, qui marquaient le 42ème km et la fin de la longue côte d'arrivée, étaient précédées par une arche gonflable dans le dernier virage, quelques décamètres en amont. Chacune des deux foulées que j'ai faites en passant sous cette arche m'a fait particulièrement mal aux deux ampoules sous la base des gros orteils : ça y est, elles avaient dû éclater l'une puis l'autre ; est-ce que j'avais frappé le sol plus fort en passant sous l'arche, heureux de voir la fin de mon calvaire ? En tout cas ce n'était pas le contact de la chair à vif sous mes deux pieds qui allait me détourner de mon but : la ligne d'arrivée, que je voyais désormais, au bout de 200 mètres enfin plats ! Patrice, toujours dans mon champ de vision, allait la franchir 20 secondes avant moi. Je ne faisais plus attention au reste, je ne voyais plus rien d'autre ; sur le bord de la route, quelqu'un (reconnaissant probablement mon maillot « Temps Course ») a crié « Allez Montpellier ! ». Le temps que l'information arrive au cerveau, que je l'analyse, et que j'en conclue qu'un compatriote venait de m'encourager, il était déjà trop tard pour remercier ...
La délivrance au 42e km... (captures vidéos organisation) Quel soulagement de franchir la ligne ! Ma montre annonçait un chrono de 2 h 42 min 54 s (mon chrono officiel sera de 2 h 42 min 55 s), j'avais échoué à passer sous les 2h40, mais j'aurais pu craindre perdre encore plus de temps que ça ... Avec 319 m de dénivelé positif au compteur, et une mauvaise gestion de course, j'imagine que ce chrono reste améliorable (l'enregistrement de la course par ma montre GPS est ici : http://connect.garmin.com/player/285780595 ; il faut cliquer sur l'icône « Afficher dans Métrique » en haut à droite de l'écran pour que les distances et les altitudes soient exprimées en kilomètres et en mètres). En attendant, j'étais surtout heureux d'en avoir fini ! J'ai retrouvé Patrice après la ligne, puis après être allé me changer, j'ai pu profiter du stand de massage offert par l'organisation. Des étudiants en pédicure et podologie offraient même des soins aux coureurs : allongé sur une couchette, déchaussé, je me suis vite trouvé entouré d'une nuée d'étudiants et d'étudiantes en podologie, curieux de voir mes deux ampoules. Elles devaient être belles, en effet : leur prof a tenu à les prendre en photo, mes pieds devraient bientôt faire leur entrée dans les exos de TD de la fac de podologie de Barcelone ! Infoutu de parler espagnol (ni catalan), j'en étais réduit à leur parler en anglais, et par gestes. Une étudiante a enlevé les lambeaux de peau de mes ampoules à coups de scalpel et de ciseaux, et l'un de ses camarades a appliqué un tampon de bétadine sur la viande à vif. Argh ! Ma jambe s'est contractée par réflexe et j'ai étouffé un cri. La troupe d'étudiants m'a regardé, l'une d'elle m'a demandé : « ¿ Pica ? », et j'ai répondu « ¡ Si ! ¡ Mucho ! ». Ils ont tous rigolé : sous le coup de la douleur, je me mettais à comprendre et à parler l'espagnol !
Changé, massé, pédicuré, j'ai rejoint la zone d'arrivée pour assister à l'arrivée de Raphaël et son groupe de coureurs. Les coureurs et les coureuses passaient devant moi après avoir franchi la ligne et s'être fait retirer la puce électronique de leurs chaussures. Je regardais ces visages, ces regards ; la souffrance qui se lisait dans leurs yeux, l'émotion qui les étreignait ... En voyant des visages baignés de larmes, des embrassades émues avec conjoints et enfants, j'ai eu, moi aussi, les yeux humides ... Un sacré spectacle, que ces hommes et ces femmes qui venaient de courir 42,195 km dans les rues de Barcelone, et qui, après la ligne d'arrivée, laissaient éclater leur joie et leur émotion ! En voyant une petite mère avec son cabas tâcher de se frayer un passage au milieu de tous les coureurs qui encombraient sa rue, je me suis amusé à penser que le jour du marathon, c'est le jour de l'année où les petits vieux se plaignent de ces jeunes qui encombrent les trottoirs en marchant trop lentement ...
Raphaël et ses amis n'ont pas tardé, franchissant la ligne entre 4h13 et 4h15, pour un objectif annoncé de 4h15 : contrat rempli ! Et c'est tous ensemble, boitillant péniblement pour les uns, resassant leurs exploits pour les autres, que nous sommes allés célébrer nos performances autour de tapas et de paëllas que nous n'avions décidément pas volées ...
L'estimation du chrono donné par l'organisation
(le résultat sera meilleur comme le montre le récapitulatif du GPS ci-dessous)