Fin tragique pour le champion Pierre Quinon
L'ancien perchiste champion olympique, retiré à Hyères où il tenait un camion de rôtisserie en même temps qu'il peignait, a mis fin à ses jours mercredi soir, à 49 ans.
« Les nouvelles n'étaient pas très bonnes d'après un ami qui avait vu sa peinture. » Au bout du fil, Philippe Houvion, recordman du monde de saut à la perche en 1980 (5,77 m), est choqué mais il ne s'étonne pas vraiment en apprenant la fin tragique de son ami Pierre Quinon. Le champion olympique de saut à la perche 1984 (huitième Français médaillé d'or en athlétisme) s'est suicidé. Depuis quelque temps, il « était en dépression et prenait des cachets. Il était à la dérive », déclare un proche. L'ancien athlète s'est défenestré vers 22 heures mercredi. Il a sauté la tête la première d'une hauteur de 5 mètres.
A 49 ans, Quinon, qui s'était reconverti en patron de rôtisserie, a mis fin à son mal-être que la peinture, à laquelle il se consacrait depuis cinq ans, n'avait pas apaisé. « J'ai passé des nuits entières à discuter avec lui, se souvient Houvion, très proche de Quinon lorsqu'ils étaient en équipe de France. Il avait besoin que "ça" sorte. » "Ça", c'étaient ses angoisses, ses éternels questionnements sur le sens de la vie. « Quand il est rentré des Jeux avec sa médaille d'or, raconte Houvion, il était seul. Sa femme était en vacances au Lavandou. Il a passé la nuit avec moi et mon épouse. Il nous disait : "Qu'est-ce que vaut ma médaille par rapport à la misère qu'il y a dans le monde ?" »
Un athlète à part, solitaire et "ultrasensible"
La vie avait pourtant apporté beaucoup à ce fils d'un coureur de 800 m. Doué pour la perche, discipline qu'il débute à 14 ans, Quinon brille dès 1981 grâce à une barre à 5,50 m et rejoint le Racing Club de France, sous la houlette de Jean-Claude Perrin, en 1982. Champion de France en titre, il s'octroie à 21 ans un éphémère record du monde (5,82 m). Il sera même le premier homme à tenter de franchir la barre des 6 m. « Je n'ai jamais été un homme de records, confiera-t-il néanmoins, paradoxal. Etre seul face à une barre n'était pas marrant. » Quinon préfère « la bagarre avec les autres compétiteurs ». En 1984, à Los Angeles, il sort ainsi vainqueur à 22 ans du concours olympique, face à son rival américain Mike Tully. On se souvient de la joie que le jeune homme aux boucles brunes avait laissé exploser, félicité par son coéquipier Thierry Vigneron.
Sa popularité est néanmoins loin de le rendre heureux. « Il a fallu se montrer, accepter d'être trimbalé un peu partout, d'être en quelque sorte une bête de cirque et je n'ai pas eu envie du tout de rentrer là-dedans », racontera-t-il vingt-quatre ans plus tard. Fuyant les mondanités, Quinon continue à s'entraîner mais il n'aura plus de résultats. Il n'ira même pas aux Jeux de Séoul en 1988. Les blessures vont se succéder jusqu'à sa retraite en 1993.
"Réussir au-delà de l'athlétisme"
Sollicité, Quinon accepte alors de tenir un camion de rôtisserie sur un parking de supermarché à Hyères. « Pierre m'avait parlé de ses rêves au cours de nos longues discussions et cette rôtisserie n'avait évidemment rien à voir avec ce qu'il espérait, témoigne Houvion qui s'était un jour rendu sur le parking pour dire bonjour à son ami "gêné". Mais cette entreprise, c'était une façon de se prouver qu'il pouvait réussir au-delà de l'athlétisme. C'était aussi une liberté. »
Eloigné du monde de l'athlétisme, il n'y reviendra que pour conseiller Romain Mesnil, en 2004, une expérience qu'il qualifiera d'« échec » après la non-qualification de son poulain pour la finale du concours olympique à Athènes. Quinon, le tourmenté, avait trouvé refuge dans la peinture après une rencontre « déclic » avec l'artiste Colin Raffer. La première exposition de ses œuvres abstraites en février 2010 avait été couronnée de succès. Divorcé et père de deux enfants, il restera à tout jamais dans l'histoire glorieuse de la perche française.
(vu sur Francesoir.fr, article de Sylvie Marchal)
Concernant son titre olympique, certains diront qu'il ne l'aurait jamais eu si les JO 1984 n'avaient pas été boycottés par les athlètes russes, mais les absents ont toujours tort, dit-on...